Le Post-Apocalyptique

Le Post-Apocalyptique

La Maison D’ailleurs

Me voilà donc à vous présenter un nouvel essai prenant place dans La Rentrée des Cartables (facebook) après Jouer avec l’histoire et Cyberpunk – 1988, nous revoilà avec un petit ouvrage co-édité sur la thématique du Post-Apocalyptique et au titre éponyme. N’hésitez pas, vous aussi, à participer à cet événement qui vous permettra de remporter un ouvrage (vous choisirez parmi trois) après un tirage au sort à la soviétique égalitaire et équitable.

Le post-apocalyptique donc, aka post-apo, est un genre très en vogue depuis quelques années, notamment avec la mode du zombie qui a déferlé pendant plusieurs années sur nos douces antennes et dans les salles – hum – obscures. Les 28 jours plus tard, 28 semaines plus tard et consorts nous ont avec brio remis les pieds en plein dans le post-apo. Pourtant, c’est vieux comme Crésus, ce genre du post-apo, et c’est même riche comme Hérode. A moins que ce ne soit l’inverse.

Et puis comme c’est quelque chose qui pointe largement plus que le bout de son nez dans nos littératures de l’imaginaire (cf ici même, par exemple à la nouvelle de M. Z. BradleyLa Vague Montante), il m’est apparu comme un devoir suprême de vous faire découvrir cet ouvrage ! Ca me permettra de me plonger dans le bain pour Gueule de Truie de Justine NiogretUn Eclat de Give d’Estelle Faye et tuti quanti.

Donc, mettez vous en condition : imaginez un opticien atoll tranquille, vous sirotez votre lait de goyave sur une plage paradisiaque et BOUM, le monde bascule, vous vous retrouvez avec votre slip et votre couteau papaye prêt à affronter ce nouveau monde.

Comme quoi c'est pas forcément la taille qui compte, hein.

Comme quoi c’est pas forcément la taille qui compte, hein.

KABOUM, new world babe

Ce tout petit ouvrage de moins de cent page mais à la ligne graphique bien définie (vous verrez quand on parlera du numéro deux de la collection, Les Super-Héros), a la particularité d’être co-édité par Actu SF et La Maison d’Ailleurs. Autant il est fort probable que vous connaissiez Actu SF, autant la Maison d’Ailleurs est plus-moins connue par chez nous. Je m’explique. Elle est Suisse. Aaah je m’réjouis, une fois ! (comment ça mon suisse est rouillé ?)

Si l’on en croit notre fameuse encyclopédie web universelle toussa toussa, et il n’y a aucune raison de la remettre en question d’abord, on peut apprendre que La Maison d’Ailleurs « est un musée de la science-fiction, de l’utopie et des voyages extraordinaires à Yverdon-les-Bains (Suisse). C’est une fondation à but non lucratif qui poursuit une double vocation de musée grand public et de centre de recherche spécialisé. » Si l’on rajoute à cela les espaces d’exposition, on a le SFFF parfait. Bon après faut aller dans le trou-du-cul-de-l’anus de la Suisse pour la trouver – amis Suisse booonjour ! – non pas que ce soit un problème en soi, mais j’avais envie de charger un peu la Suisse là. Non parce que bon, 30 visites en tout et pour tout depuis début juillet sur ce blog pour tout un pays dont la grande moitié est francophone, c’est peu. Alors on se sort les doigts et on fait de la réclame, comme dit ma mamy, pour tonton Faquin. Merci bien*.

L’ouvrage a été publié dans le cadre de la collection « Les collections de la Maison d’Ailleurs » à l’occasion de l’exposition Stalker – Expérimenter la Zone et l’intégralité des documents sur lesquels se base l’analyse des auteurs est issu du fonds et des collections du musée. A propos de la collection d’ouvrages, on peut lire sur le quatrième de couverture, par ailleurs très fourni :

« Les collections de la Maison d’ailleurs est une série d’ouvrages qui réfléchissent aux thématiques de la science-fiction, tout en s’appuyant, à chaque fois, sur le fonds patrimonial du seul musée européen dédié à la Culture SF. Cette série a également pour vocation de monter comment la science-fiction cherche à cerner ce que signifie être humain à l’heure des sciences et des technologies.« 

Vous imaginerez aisément quand j’ai sauvagement déchiré avec mes incisives éclatantes – car lavées avec Mir-Laine – le carton contenant ce petit volume, et que, la tête encore entourée des charpies de carton volant en tout sens telles des plumes de papillon, j’ai lu le quatrième de couverture, vous imaginez aisément, disais-je, la facilité avec laquelle je l’ai névrotiquement acheté : de la réflexion, une portée sociale et une volonté vulgarisatrice certaine, qui ne tombe toutefois pas dans la simplification, soulevons-le, et un attachement à cette culture de l’imaginaire – ces cultures mêmes – qui me plait tant. Et si vous n’arrivez pas à vous imaginer, tant pis pour vous. lol

Les belles illustrations pleine page dont on vous parlait et qui permettent de visualiser le propos ! Hop ! Ici on a le film Interceptor, aka Mad Max, de George Miller.

Les belles illustrations pleine page dont on vous parlait et qui permettent de visualiser le propos ! Hop ! Ici on a le film Interceptor, aka Mad Max, de George Miller.

J’apocalyse, tu apocalypses, il/elle/on apocal…

On parle de post-apo, certes, mais ce que je n’ai pas dit plus haut, c’est que ce n’est pas un ouvrage continu avec une intro, un début, ou une fin. Comme beaucoup d’essais, c’est un recueil d’articles. On va pas faire dans l’originalité mais je m’apprête à vous les lister. Si une réaction aussi laconique – à Nicomaque – vous frustre, blâmez en le karma, parce qu’on sait jamais après tout.

  • Marc Atallah : Raconter les Zones dévastées, directeur de la Maison d’Ailleurs, nous propose l’introduction et a compulsé les articles ainsi que la biblio en fin d’ouvrage, on y reviendra.
  • Francis Valéry : Des Fourmis et des Zones, chercheur associé à la Maison d’Ailleurs, nous propose une réflexion poussée sur les Zones en tant qu’essence et définition du post-apo.
  • Francis Valéry : Ce fut une bien belle apocalypse, idem, nous propose dans un second article de réfléchir sur l’apocalypse nucléaire total. Des barres de fun.
  • Frédéric Maire : Boum ! Quand le cinéma fait BOUM !, directeur de la cinémathèque suisse, ou comment le cinéma s’est mis à rêver de ce qu’il resterait d’une monde une fois qu’il aurait pété.
  • Alexandra Kaourova et Eugène (?) : Stalker – Expérimenter la Zone, Commissaires d’expositions, reviennent sur l’expo linkée ci-dessus.

Avant d’aller plus loin, il convient de revenir sur deux spécificités de cet ouvrage. La première est à la fin – je commence par elle car c’est la plus simple à présenter dans un premier temps et j’ai de grosses tendances à être fainéant – est cette petite bibliographie qui recoupe et englobe toutes les thématiques abordées. Si l’intégralité de ces articles s’appuie sur un fonds omniprésent car omni-cité. Chaque exemple est illustré par des œuvres cinématographiques, littéraires ou artistiques en tout genre, et le propos fourmille ainsi d’idées de lecture – oui, je sais, c’est mal – tant et si bien qu’on n’est jamais perdu dans les concepts car, même si on ne connait pas un cinquième des références, on en connait tous suffisamment pour s’en sortir haut la main. Seconde chose à noter : la qualité des illustrations. En effet, chaque article est illustré de reproductions d’affiches ou de couvertures, de photographies d’exposition ou de tournages de films, des reproductions pleine pages (toutes issues du fonds de la Maison d’Ailleurs, notons le à nouveau) qui ont les mérites combinés d’illustrer et de démontrer et, bien souvent – malgré eux- de faire sourire.

Allez, pour la route je vous colle l’intro de Quand le cinéma fait BOUM !

« C’est bizarre dans le cinéma fantastique des temps du muet, puis du cinéma sonore des années 1930 et 1940, rares sont les apparitions de récits racontant la fin du monde et mettant en scène un après imaginaire. Pour le cinéma (et la censure) de cette époque, sans doute, l’Apocalypse tenait toujours du divin et par conséquent, après la fin, voulue par Dieu, il n’y avait rien (du moins sur Terre)/ Et donc pas non plus de films.

Une date, le 6 août 1945, a changé le monde et changé le cinéma. Le jour où Little Boy a explosé sur Hiroshima, mettant symboliquement fin à la Seconde Guerre Mondiale, et, peut-être, au monde. Car cette fameuse explosion – et toutes celles qui s’ensuivront, notamment à Nagasaki, le 9 août de la même année – vont donner à l’homme la conscience qu’il a, de lui-même, fabriqué les outils de sa propre destruction.  L’homme était devenu dieu. Voilà pourquoi, dans le monde entier le cinéma s’est mis très rapidement à imaginer le monde d’après, après la bombe, après l’Apocalypse (devenue maintenant nucléaire). De rêver – ou plutôt de cauchemarder – ce qu’il restera de l’humanité une fois qu’on aura tout fait péter.

Je sais pas vous mais, en plus d’être vachement mieux écrit que le présent article, cette intro me fait, chaque fois, mouiller mes panties.

Et de belles photos de tournage qui sont, ma foi, belles.

Et de belles photos de tournage qui sont, ma foi, belles.

Du Post-Apo en AOE** ?

C’est cela ! Geeks de tous pays, vous n’avez rien inventés. Si j’vous parle de ça, c’est parce que deux articles de ce recueil parlent de ces fameuses Zones dans lequel survient le post-apo : Des Fourmis et des zones et Stalker – Expérimenter la Zone. Chacun de ces articles fais preuve, dans son nom, d’un référentiel culturel notable. Le premier rappelle Des Souris et des Hommes de John Steinbeck, roman qui dépeint la misérable tristesse de la condition humaine aux yeux de l’auteur, qui s’échine en vain à échouer et retenter, avant d’échouer encore, où tout ce qui est sacré est souillé, détruit, oublié. Quoi de mieux pour exprimer le post-apocalyptique, l’après fin du monde (litt.), qu’une référence aussi joyeuse – putain ce roman m’a fait pleurer les deux fois, j’ai décidé de ne plus le relire, mais j’ai quand même regardé le film, qui m’a refait pleurer. MERDE. Le deuxième s’accorde avec le titre de cette partie et nous renvoie vers l’imaginaire fantastique de cette fameuse zone, pas la 51, mais bien cette autour de Tchernobyl la Sacrée, avec le sublime chef d’oeuvre que fut Stalker: Shadows of Chernobyl – qui nous faisait tous baver partout à sa sortie.

Stalker se passait intégralement dans la zone radioactive interdite de la triste centrale. Le terme, si l’on en croit une définition trouvée en ligne, « est un mot anglais qui peut se traduire par « rôdeur » ou « traqueur ». Il peut désigner quelqu’un pratiquant le « stalking », une forme de harcèlement névrotique. Un grand nombre de stars ont eu affaire à des stalkers, dont Madonna et John Lennon. » Cet acharnement se traduit dans notre cas bien précis, celui des Ombres de Tchernobyl, par la traque incessante de l’inconnu résidant dans ces zones coupées du monde. Il est intéressant de voir qu’à l’heure actuelle cette fascination psychotique de l’homme pour les espaces où il n’a pas accès est toujours aussi présente. Axolotl l’a bien montré dans une de ses vidéos. On peut bien entendu citer le merveilleux Stalker d’Andrei Tarkovski (qui voulait être pâtissier itinérant en Sibérie, mais a du se résoudre à un mode de déplacement local), qui est le chef d’oeuvre lançant clairement les termes de stalker et les schémas récents du post-apo.

Si j’ai voulu parler et m’attarder sur les zones c’est aussi parce que le concept, si important qu’il soit dans le post-apo, est relativement ancien. Au cours de mes études j’ai eu l’occasion de pas mal bosser sur Chrétien de Troyes et notamment sur le Lancelot, l’Yvain et le Perceval, dans lesquels toutes les actions d’importance, toutes rencontres marquantes, tous les indices et toutes les révélations se font dans des espaces réservés, des zones propices, une sorte d’insularité de l’importance du propos. Ce lieu commun des littératures de l’imaginaire, ce topos, cette évidence a été multipliée par les plus grands auteurs : Frodon et Sam rencontrent Bombadil sur le chemin (autre lieu important, le lieu de l’errance de zones en zones) qui les emmène dans sa clairière, espace clos, ceint ; dans l’univers de Narnia de C. S. Lewis, les enfants accèdent au monde imaginaire pas un espace clos, l’armoire, qui est une zone tampon entre d’autres ; dans le Seigneur des Anneaux, les exemples sont légions (la Chambre des Ents, Poney Fringant, l’Assemblée de Fondcombe, la Montagne du Destin, le Hall d’Edoras, le Gouffre de Helm, le dernier îlot de résistance devant les Portes Noires, etc…) comme dans Le Hobbit (l’habitat de Beorn, la clairière des Trolls, les aires des Aigles, Bourg du Lac, le portail d’Ereborn où les nains se retranchent…) ; à Poudlard, l’école elle-même est l’interface d’un ensemble complexe de zones (Chambre des Secrets, Salles de Défense contre les Forces du Mal, bureau de Dumbledore, Salle sur Demande, Grande Salle, dortoirs des maisons…) tout comme la Forêt Noire (clairière des araignées, habitat des Centaures, rencontre avec la Licorne, Cabane d’Hagrid…), des zones bien révélées au grand jour par les gammes de jouets issus de ces licences (Lego notamment créant une boîte pour chaque endroit clef, pour chaque zone).

Comme vous le voyez, je vous parle encore une fois de fantasy dans un article sur la SF, mais, plus que la dichotomie sf-fantasy, ce sont toutes les littératures de l’imaginaire qui s’articulent autour de cet enchevêtrement de zones. J’essaierai de vous montrer dans une rubrique de la section Triangulation comment s’articule tout cela et, surtout, comment Chrétien de Troyes avait en son temps cristallisé une forme qui allait se reproduire dans les générations à venir.

Introduction de Des Fourmis et des Zones :

« La littérature de science-fiction aime à mettre en scène des lieux étranges et clos dans lesquels se passent des événements dont on peine à saisir la signification : les Zones. Afin de mieux saisir certains des enjeux qu’elles peuvent représenter, il est intéressant d’établir des correspondances entre la science-fiction et la littérature entomologique  [qui étudie les insectes, ndf]. Car le fossé qui sépare l’extraterrestre de l’homme est peut-être encore plus important que celui qui nous sépare des insectes.« 

Explorons la zone m'sieurs dames. Mais n'oubliez pas vote maskagaz.

Explorons la zone m’sieurs dames. Mais n’oubliez pas vote maskagaz.

Bon, je retourne zoner…

Bon, ça fait lourd peut-être tout ça ? J’espère que non parce que ce sont des choses qui valent clairement la peine qu’on s’y penche. On parlait de science-fiction apocalyptique et de fantasy mais la science fiction en space-opera est également sujette à ce concept de zones, en cela que tout se passe dans un vaisseau (clos) avec ses propres zones internes (salle des machines, passerelle, cabines…) et le vaisseau-zone-globale interface avec d’autres zones (spatioports, autres vaisseaux…) amenant autant de zones de plus. Et c’est le même cas pour le voyage en mer de Long John Silver.

Comprendre l’importance des zones c’est réaliser que tout peut-être réduit à cela mais que, si dans La Délicatesse de Foenkinos comme dans toute histoire chaque chose se passe en son lieu, leur pertinence dans les littératures de l’imaginaire vient du fait que ces lieux, ces zones, sont les seuls endroits où il se passe quelque chose et chaque zone a son type d’action. Bref, les zones, c’est la base.

Dans tous les cas j’espère que vous aurez apprécié cette digression. Je m’aperçois que je voulais faire short, pour le petit essai, mais que comme à l’habitude j’ai fait dans les 2584 mots, vous me direz ça fait 2000 de moins que le précédent. Disons que ça nous fait une moyenne.

On revient très vite pour un autre essai, en espérant avoir vos retours !

Vil Faquin

P.S. : merci aux 35 zones qui ont bien voulu se prêter au jeu pour m’aider dans cet article. Du fond du coeur, merci. Sans vous rien n’aurait été possible les filles. :coeur: :coeur: ❤

P.P.S. : aucune zone n’a été maltraitée, sortie de son contexte ou pervertie lors de l’écriture de cet article.

* De même, aucun Suisse n’a été maltraité pour le présent article. Nous savons maintenir une certaine neutralité dans nos actions qui ne saurait se refléter entièrement dans nos propos. L’ovomaltine c’est bon.

**AOE Aera of effect, s’utilise en MMO notamment pour les sorts affectant une zone définie plutôt qu’un personnage/monstre.

Dans la même collection : Les Super-HérosStar Wars, un monde en expansion & De H.P. Lovecraft  à J.R.R. Tolkien, Les Robots.
Vous voulez lire du post-apo : édito de Raphaël Colson partie 1 et 2Gueule de Truie, Un Eclat de Givre et La Route.
Vous voulez en voir ? Course à la mort de l’an 2000Mad Max.
De Francis Valéry : Un rêve mandarine.