Porcelaine

Porcelaine – La légende du tigre et de la tisseuse

Estelle Faye

Dans l’article sur Un éclat de Givre, je signalais la volonté inébranlable d’une collègue libraire trop zélée qui me tannait avait Porcelaine quasiment quotidiennement. Le fait que j’aie voulu chroniquer Un éclat de Givre avant Porcelaine n’a fait qu’empirer les choses et je m’en suis trouvé à deux doigts d’appeler le 119, harcelé que j’étais de remarques désobligeantes, qui sur mon facebook, qui par téléphone, qui oralement à la librairie. Je n’en pouvais plus et, sous la pression dictatoriale, j’ai finalement craqué et lu le livre en question.

Et putain que j’ai bien fait. Alors avant de commencer à parler du bouquin et de son contenu ainsi que de l’auteure, je vais juste préciser un élément. Porcelaine est un conte. Il se présente comme un conte chinois et doit être appréhendé en tant que tel, nous y reviendrons. Non, j’dis ça parce que je m’étais bien foiré sur Un jour la guerre s’arrêta de Pierre Bordage. Enfin, foiré… Disons que la recette du conte n’avait pas prise et que je m’étais emmerdé. Mais là, c’est pas l’cas. Là, c’est bien.

On voit ici la très jolie illustration de couverture d'Amandine Labarre et le rabat pratique qui la poursuit.

On voit ici la très jolie illustration de couverture d’Amandine Labarre et le rabat pratique qui la poursuit.

Une jolie porcelaine

Dans l’article sur Un éclat de Givre, je signalais –  Dieux de l’Olympe ! je me répète – la qualité de l’édition de ce format en hardcover signé Les Moutons Electriques dans leur collection de La Bibliothèque VoltaïquePorcelaine, lui, est en softcover – l’inverse donc, c’est bien tu suis – mais la qualité de l’impression et de l’édition est toujours la même. Agréable et offrant ma foi un confort de lecture inégalé à mes yeux dans l’édition spécialisée de nos littératures de genre à ce jour. Même Actes Sud, donc j’avais vanté ici la qualité de l’édition en grand format, a du mal à se hisser à la mesure.

Je reviens quelque peu sur la mise en page pour signaler une singularité. Dans tous les ouvrages de la Bibliothèque Voltaïque que j’ai pus feuilleter, chaque fin de chapitre se fait sur une fin de page blanche et chaque début de chapitre se fait en page suivante, en haut, quand ce n’est pas encore plus particulier avec une page de garde à chaque chapitre, comme dans le hardcover de Janua Vera de Jaworski. Dans Porcelaine l’éditeur a choisi de nous laisser nous départir avec des chapitres qui se succèdent sur la même page. Le côté haché de l’écriture, avec tous ces sauts de paragraphes, se confond alors avec le changement de chapitre. Le changement de chapitre, lui, n’apporte pas réellement à l’intrigue : souvent on lit la suite de ce qu’il y avait avant, la suite d’une même action, on ne change pas de perspective ni de point de vue comme on peut le faire dans un Wastburg de Ferrand par exemple dans la même collection, ces changements ce faisant à l’intérieur des chapitres souvent, par le saut de paragraphe.

Un autre point sur lequel je voulais revenir sur ces éditions softcover, ce sont bien sûr les rabats intérieurs qui ont le double avantage de pouvoir servir de marque page dans les premières ou les dernières pages et de permettre à l’ouvrage d’avoir un univers visuel plus étendu. Le premier rabat permet en effet à l’illustration de couverture d’être présentée dans son ensemble. Sur le second, les Moutons nous présentent d’autres ouvrages de la collection, c’est plutôt agréable et pas intrusif. Pour revenir sur l’illustration de couverture, il faut en signaler la pertinence. Amandine Labarre (ou , ou ) réussit à faire comprendre le souffle de l’ouvrage juste avec une image. Un des ados avec lesquels je bosse certains soirs, qui est absolument adorable et volontaire mais malheureusement dénué de toute forme humaine de sagacité (je durcis le trait mais le garçon n’a pas eu un environnement familial des plus stimulants dirons-nous) – pas comme S. G., non pas Serge Gainsbourg, mais Samsagace Gamegieaka Samwise tavu – m’a fait remarqué très justement la semaine dernière : « Hey il est chouette ton livre, avec la forme de l’arbre et le tigre ça fait conte chinois et on dirait que c’est tout mignon et plein d’émotion. » Et bah bingo gamin, tu marques un point en plein dans l’mille, Emile. Un très beau travail qui colle, une fois n’est pas coutume après la superbe illustration pour Un éclat de givre, idéalement au texte. Même le corbeau du Hengsan est là, et il est cool avec son ver de terre.

J’en profite pour glisser au passage qu’Estelle Faye sera en dédicace à la librairie des copains de Trollune à Lyon le samedi 6 décembre à partir de 14h (donc tout bientôt). Un brunch/buffet est proposé en sa compagnie dès 12h30 pour la modique somme de 5€. Je n’a pas pour habitude de faire de la pub, mais l’auteure comme la boutique le méritent. Et puis vous m’y verrez. Héhé.

C'est beau et c'est doux. On sent le conte. Et je vous ai collé un filtre tout moche qui a flouté la photo. Well well!

C’est beau et c’est doux. On sent le conte. Et je vous ai collé un filtre tout moche qui a flouté la photo. Well well!

Por-ce-laine

Dans l’article sur Un éclat de Givre, je signalais –  Dieux d’Asgard ! je me ré-itère encore – la délicatesse et l’onctuosité de la plume d’Estelle Faye qui pouvait parfois faire passer avec sourire les éléments les moins rigolards. Le cas se présente ici aussi ; il faut garder, toutefois, à l’esprit que Porcelaine est un conte. Commençons par définir ce qu’est un conte. Si l’on en croit une encyclopédie en ligne bien connue :

Le mot conte désigne à la fois un récit de faits ou d’aventures imaginaires et le genre littéraire (avant tout oral) qui relate lesdits récits. Le conte, en tant qu’histoire, peut être court ou long. Qu’il vise à distraire ou à édifier, il porte en lui une force émotionnelle ou philosophique puissante. Depuis la Renaissance, les contes font l’objet de réécritures, donnant naissance au fil des siècles à un genre écrit à part entière. Cependant, il est distinct du roman, de la nouvelle et du récit d’aventures par son rejet de la vraisemblance.

Bon alors qu’est-ce qu’on a dans le contenu du livre : un jeune homme à qui un vil – encore un – mage va jeter une malédiction et qui va se retrouver attiché d’un tête de tigre, des fées, des apparences trompeuses, une histoire hors du temps mais étrangement temporalisée (l’histoire compte trois parties : Première époque – Plus précieux que le Jade, Deuxième Epoque – La Voie des Commédiens, Troisième Epoque – L’Opéra de Pékin), des animaux qui sont plus que ça, des démons, de la magie, de l’artisanat transcendant… Tous les éléments des vieilles histoires de notre enfance. Autant d’éléments qui démentent toute volonté de réalisme froid et matériel.  Nous sommes clairement dans le domaine de l’irréel.

Dans l’article sur Brûlons tous ces Punks pour l’Amour des Elfes de Julien Campredon, j’avais cité André-François Ruaud, dans Cartographie du Merveilleux (Folio SF, 2002) qui disait que

La Fantasy est une littérature fantastique incorporant dans son récit un élément irrationnel […], présente souvent un aspect mythique et est souvent incarnée par l’irruption de la magie.

Donc on a à faire à de la fantasyRight ? Ouais. Mais le conte est-il un genre à part entière ou peut-il être mixé dans les genres avec d’autres. On aurait donc là un récit de fantasy se présentant sous la forme d’un conte. C’est ma vision des choses ; une vision dans laquelle le conte se démarque de ses amis les romans par sa dimension orale. Si Porcelaine est un publié comme roman, une histoire écrite, il n’en garde pas moins une très forte valeur morale. Le découpage de la narration (entre les paragraphes), le peu de dialogue, le ton omniscient et objectif permet à l’auditoire de merveilleusement bien adapter l’ouvrage pour l’oral. C’est typiquement le genre d’ouvrage qu’on pourrait lire à des enfants à voix haute le soir à l’heure du coucher, un peu chaque soir afin de les tenir en haleine. La plume d’Estelle Faye se marie incroyablement bien à l’écrit comme à l’oral. Et autant habituellement les lectures publiques me font chier (parce que déjà, la personne la mieux placée pour lire un bouquin, c’est pas forcément son auteur/e), autant si on refilait le bouzin à un professionnel avec le temps de le préparer, nous pourrions passer un superbe moment. Imaginez seulement le tout avec un spectacle mimé en ombres chinoises et une musique trad’ ? Ouais, j’suis pas l’seul à mouiller je vois.

Bon la force émotionnelle, on voit, on en parle souvent pour Miss Faye. Passons maintenant à la volonté philosophique : elle est multiple dans cet ouvrage que ce soit sur l’immortalité, sur l’impunité, l’amour, les relations humaines, l’amitié, la trahison, la famille, le sens du devoir, le sens du spectacle, la condition humaine, l’acceptation de l’autre, la folie ou la fuite en avant, à tous les niveaux du récit vous trouvez des informations qui vous feront grandir intérieurement. Pour ce qui est de la réécriture, ou des réécritures, l’ouvrage est encore trop jeune pour avoir été repris, mais gageons que ce sera le cas d’ici une trentaine d’années et qu’il connaîtra une seconde jeunesse, d’une autre main. Ce serait la plus belle des récompenses au vu du talent de cet ouvrage.

Il y a donc deux pratiques du genre littéraire du conte : orale et écrite. Ces deux pratiques se différenciant par leur mode de création et de diffusion comme par leur contenu, il convient de les distinguer. Le conte est un objet littéraire difficile à définir étant donné son caractère hybride et polymorphe. Le genre littéraire comme les histoires elles-mêmes font l’objet d’études convoquant des savoirs connexes, à la lumière des sciences humaines, tels que l’histoire littéraire, la sémiologie, la sociologie, l’anthropologie ou la psychanalyse.

Bah, analysons :

  • histoire littéraire : disons que le récit ayant été écrit au XXIème siècle, il est difficile de présenter une étude à ce propos. Seulement, l’histoire s’étale du IIIème au XVIIIème siècle, soit sur quinze siècle (1500 piges). A l’intérieur même de l’histoire on ne remarque pas la narration évoluer et s’adapter au style, le parti pris étant un point de vue externe. Cependant les évolutions sociales influent sur les héros et leur approche du métier de comédien. De plus, les comédiens racontent des histoires dans leurs spectacles et la mise en abyme des récits et parfois délicieuse.
  • sémiologie : comédien = gestuelle. Gestuelle = signes. Histoire = symbole. Symbole = signe. Je me contenterai de citer wikipedia (encore) qui cite Daniel Bougnoux : « L’homme descend davantage du signe que du singe : il tient son humanité d’un certain régime symbolique ou signifiant. Nous vivons moins parmi les choses que parmi une “forêt de symboles” comme dit Baudelaire dans le célèbre sonnet des “Correspondances”. (…) L’empire des signes double ainsi notre monde naturel. (…) Par tout un réseau de représentations codées et de signes qui sont autant de pare-chocs opposés à la dureté du monde, nous enveloppons, nous filtrons et du même coup nous maîtrisons le réel extérieur.» Et paf, ça fait du Estelle Faye.
  • sociologie : bon, là, rien de bien étonnant. Avec des personnages principaux qui sont des comédiens, donc déjà en partie au ban de la société, dont un à une tête de tigreFelindra ! -, on va forcément se douter que les relations entre les êtres humains peuplant le récit vont être une part importante des observations et des apprentissages entre les protagonistes. On a donc droit à de belles descriptions de sociétés chinoises anciennes qui, si elles ne sont probablement pas tout à fait exactes (je n’ai pas eu le courage de me renseigner sur la vie en Chine au IIIème siècle, je ne m’en excuse pas), sont crédibles.
  • anthropologie : et puis en 1500 ans, on en voit du pays, des gugusses, on en trucide. Et on apprend. De même que les transformations physiques du héros apportent à la connaissance de l’humain, du sur-humain et de son fonctionnement (sens…). Après tout, être comédien-acrobate, c’est aussi sentir son corps.
  • psychanalyse : j’imagine qu’il y aurait énormément à dire mais… mais j’suis nul en pschanalyse. Pourtant, avec le peu que je maîtrise, je prédis des analyses freudiennes sur le moi et le surmoi à la pelle. Mais surtout je vais reciter wikipedia qui nous sort un encart parfait pour notre propos : Conte et psychanalyse : « Bruno Bettelheim dans son ouvrage Psychanalyse des contes de fées démontre que le conte merveilleux a une place importante dans l’apprentissage de la maturité en s’adressant simultanément à tous les niveaux de la personnalité. Il nous dit que les contes rassurent les enfants en leur montrant que leurs fantasmes ne sont ni uniques ni monstrueux.« 

Formidable, non, ce qu’Estelle Faye réussit comme ça, mine de rien ? Mais quand même avec un goût de r’viens-y ! Il y a tous les ingrédients, mixés en un charmant velouté qui se laisse avaler sans rechigner et vous glisse tout seul dans le fond du gosier. C’est assez fascinant le pouvoir qu’a l’auteure rien qu’avec des mots. Magie noire !

Par ailleurs, le terme de « conte » peut aussi désigner l’activité de conter, quel que soit le type d’histoires (épopée, légendehistoire de vie, nouvelle…). Le conte devient alors l’art du conteur.

Ou de la conteuse. Ce qu’Estelle Faye doit, incontestablement, être.

Car après tout, comme disait Christian Chelebourg dans Le Surnaturel – Poétique et Ecriture (Armand Colin, 2006) :

« La poétique ne vise rien d’autre que la confusion créatrice de l’irréel et du réel. »

Le conte, c'est aussi des moments d'histoire. Et dans tous les contes (au moins dans leurs versions Disney) on a le petit animal attachant et rigolo qui remonte le moral du héros. Notre ami (et mon coup de coeur) le Corbeau du Hengsan, un Zazu des Trois Royaumes.

Le conte, c’est aussi des moments d’histoire. Et dans tous les contes (au moins dans leurs versions Disney) on a le petit animal attachant et rigolo qui remonte le moral du héros. Notre ami (et mon coup de coeur) le Corbeau du Hengsan, un Zazu des Trois Royaumes.

Très mollo dans le trémolo

Dans l’article sur Un éclat de Givre, je signalais –  Dieux Panceltiques ! Décidément, je me beggaie – je vous parlais du style d’Estelle Faye. Mais si ! Souvenez-vous – jingle nostalgie :

Toute la force terrible de l’ouvrage est là. On note spécialement le choix assumé des phrases courtes, parfois nominales, souvent percutantes. Et la solitude du propos. Chet ne chante pas dans des bars particuliers. Il chante dans les bars, là où ses pieds le porte, aléatoirement. Il est perdu, que ce soit physiquement ou émotionnellement. Ce sentiment prend aux tripes.

Et ici ? Bah oui. Et… non. On retrouve le style aéré et espacé, la poétique et tout le reste. On ne va pas revenir sur ces éléments qu’on a vu en long en large en travers dans l’autre article.

Ce sur quoi on peut revenir c’est la place du conte dans le style. Avec toutes les indications dans la partie précédente on comprend aisément que le style a été adapté pour coller. Plus de narration, plus de poésie et moins de moments ‘gratuits’ (comprendre qui n’ont pas un rôle indéboulonnable dans l’intrigue) qui, s’ils laissaient parfois sur la faim dans Un éclat de Givre, avaient le mérite d’enrichir considérablement le background de l’histoire. Ici – et j’allais mettre malheureusement mais au final non, après tout dans le conte, la pertinence des éléments est nécessaire pour que la recette fonctionne, il y a déjà beaucoup à s’occuper pour pouvoir se permettre ce luxe – nous ne retrouvons pas ce genre de passages.

Toutefois, une différence notable à saisir est la nature profonde de l’intrigue et du héros. Dans les deux ouvrages il s’agit d’un jeune homme. Dans Givre, Chet vit un apprentissage de lui-même, notamment au travers de sa sexualité. Dans Porcelaine, Chen – en réalité Xiao Chen mais j’ai voulu mettre en évidence la similarité dans les deux patronymes – vit un apprentissage forcé de son nouveau lui-même, au travers de ses relations humaines, notamment de ses amours. On est dans un conte, on remplace le cul par des sentiments, noblesse oblige. Là où la découverte de soi passait par l’expérimentation et le tatillonnement – néologisme – Xiao passe lui par l’absence, la carence avant de se lancer pour de bon.

De plus, j’avais apprécié qu’il n’y ait pas de triangle amoureux dans Givre, cela aurait réellement tué le récit. Dans Porcelaine, on se tape deux triangles amoureux. J’ai à peine grincé des dents. Parce qu’au final, quoi de plus classique que cette princesse qui aime son manant mais qui est promise à un Prince qui la courtise ? En plus d’être sexiste redondant, c’est éculé. Ici on a deux triangles donc, avec un personnage qui change, donnant un tout nouveau sens au récit : 2 hommes / 1 femme –> 1 homme / 2 femmes. On voit bien la particularité que prend la tournure du récit. Le conte nous emporte à travers une forêt de symboles pour reprendre le poème. Un retournement s’opère au début de la seconde partie, La voie des comédiens, où les personnages féminins prennent le pas sur les personnages masculins.

C’est une autre force de cet ouvrage, ne mettre ni personnage masculin trop en avant, ni personnage féminin. Avoir une équité non forcée et non feinte dans le propos comme dans le ton, notamment au travers de ce personnage très touchant de la première partie et qui se travestit. Déjà dans Givre, Estelle – poil-aux-venelles (?!?) – se débrouillait avec l’homosexualité de Chet et son travestissement pour nous offrir deux points de vues dans son récit.

Il ne faut surtout pas oublier que, lorsque je compare Givre avec Porcelaine, que le second est le premier à avoir vu le jour. Cela prend son importance quand on discute du style. Parce qu’on sent l’auteure plus approximative, qui avance parfois à tâtons, on sent des hésitations et une maîtrise bien moins impeccable sur La légende du tigre et de la tisseuse. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. On a là un excellent ouvrage. On regrettera les trop nombreuses fautes présentes dans l’ouvrage. J’en ai compté 5 ou 6 dans l’ensemble et c’est beaucoup trop.

Porcelaine et Un éclat de givre, les deux Estelle Faye de la Bibliothèque Voltaïque

Porcelaine et Un éclat de givre, les deux Estelle Faye de la Bibliothèque Voltaïque

Il n’y a que Faye qui m’aille

Dans l’article sur Un éclat de Givre, je signalais –  Dieux de Valinor ! In Illuvatar we trust – la facilité avec laquelle l’auteure nous parlait d’un Paris qu’elle maîtrisait excellemment et à quel point sa recherche dans le parcours de son personnage avait été profitable. On peut en dire autant ici. En tout cas, en tant que noob ignorant total à la culture chinoise, c’eût été difficile pour moi de trouver à redire à la magie avec laquelle Estelle Faye nous décrit les sociétés, les cultures, les objets, les vêtements, les régions… On sent une réelle volonté de coller à un tableau, peut-être d’Epinal, je ne peux pas le dire, et on sent que c’est réussi car on se laisse emporter sans rechigner.

Il est par d’ailleurs sympathique, et intéressant, de voir la place du travestissement dans les ouvrages de l’auteure, ainsi que la place des vocations de scène, de performances. Dans les deux ouvrages d’elle que j’ai pu lire, à chaque fois le héros chantait ou dansait, bref se produisait, à chaque fois un personnage (ou plusieurs) important (héros ou non) se travestissait (pour se cacher, pour le show, pour sa sexualité…), à chaque fois c’est par les relations humaines que les héros s’accomplissent. Deux ouvrages très similaires donc, tant dans les contenus que dans la qualité. Nous verrons bien comment La Voie des Oracles, son nouvel ouvrage chez Scrinéo, infirmera ou confirmera cela !

Nous finirons avec le fameux – et cité – Correspondances de Charles Baudelaire, tiré des Fleurs du Mal, parce qu’après tout, qui mieux que le maître peut parler de l’élève et rendre au conte sa poésie ?

La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles;
L’homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l’observent avec des regards familiers.

Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.

II est des parfums frais comme des chairs d’enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
Et d’autres, corrompus, riches et triomphants,

Ayant l’expansion des choses infinies,
Comme l’ambre, le musc, le benjoin et l’encens,
Qui chantent les transports de l’esprit et des sens.

Vil Faquin.

De la même auteure : Un éclat de Givre / Interview / Edito.
Dans le même genre : Les Neiges de l’Eternel.
A lire sur le conte : Les Contes de Beedle le BardeRoverandomsur la place des fées,
Le Petit Chaperon Rouge dans la tradition orale.

15 commentaires

    1. Je te remercie ! J’essaie effectivement de faire un travail de fond, content que ça te plaise ! Ne rate pas l’édito d’Estelle Faye à paraître ce jour sur la Faquinade ! : D

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