Kaamelott, la Quête du Savoir

Kaamelott, la quête du savoir

Nicolas Truffinet

Il y a quelques temps, au détour d’un Y F’rait Beau Voir,  je vous faisais présentation des scripts de la série télévisée Kaamelott, créée par Alexandre Astier, Alain Kappauf et Jean-Yves Robin. Peu avant je vous proposais également une analyse rapide de deux morceaux choisis de la littérature fantastico-historique française présentant sous un jour nouveau la légende arthurienne.

A cette occasion, celle lors de laquelle je vous ai présenté Mordred de Justine Niogret et L’Île Close de Lionel Davoust, donc, je vous avais présenté le lourd passé – passif ? – de la Matière de Bretagne et la difficulté de s’y distinguer d’une quelconque façon lorsque l’on est pris de l’envie – déraisonnée, certes – de s’y frotter. On avait évoqué le cinéma, la télévision, les monceaux de littérature et tout le reste. D’ailleurs, on remarquera que le magazine Histoire et Images Médiévales nous avait contacté afin que nous puissions en faire un article sur leur site internet, ce qui fut fait dans Mordred, ou l’abysse des sens.

Bref, tout cela pour en venir à ceci : j’avais, à l’occasion du double article sur Mordred et L’Île Close, essayé de dresser une analyse, rapide et incomplète, certes, des raisons pour lesquelles ces deux œuvres se distinguaient dans le paysage littéraire de la Matière de Bretagne. Eh bien Kaamelott, ou la quête du savoir de Nicolas Truffinet fait exactement le même travail pour la série d’Astier.

Au final, ça fait un bon paquet de trucs à lire. Il faudra y revenir, chez Vendémiaire.

Au final, ça fait un bon paquet de trucs à lire. Il faudra y revenir, chez Vendémiaire*.

Un vent de fraîcheur

Il y a quelques temps – comment ça vous avec l’impression d’une redite ? Je ne vois pas ce dont vous voulez parler – je vous faisais présentation d’un – non Monsieur ! Je ne vous rendrai pas l’argent que vous ne m’avez pas donné ! Cet argent provient de l’or noir de l’édition, laissez-le-moi ! – du très bon Mythe et Idéologie du Cinéma Américain par Laurent Aknin, publié d’abord dans la Collection Cinéma puis à nouveau, en version augmentée, dans la Collection Echo chez Vendémiaire*Kaamelott, ou la quête du savoir est également publié dans la collection cinéma de l’éditeur amateur de sciences-humaines – rappelons à ce propos que son fonds est composé majoritairement d’ouvrages d’histoire, d’ethnologie et de sociologie.

Visuellement, l’ouvrage présente les mêmes dimensions que son ami de collection. En effet, la taille restreinte et la faible épaisseur en font vraiment un poche pratique et transportable. Le papier à l’odeur des vieux poches qu’on trouvait sur les quais des gares et dans les kiosques et, toujours, le carton de la couverture est agréable au toucher même s’il se corne et se raye facilement. Rien d’exceptionnel donc, mais, pour 8€, un poche tout à fait acceptable. On note d’ailleurs que le format assez court – 135 pages contre 220 pour celui de Laurent Aknin – ne change pas le prix, ce qui n’est pas si important. Sur la couverture, l’illustration provient directement de la photographie de la série Kaamelott, notamment du tournage du Livre 5, où l’on voit des pèlerins/vagabonds/gens qui marchent en bord de mer. C’est cette image qui m’a attiré l’oeil, au détour d’un rayon de ma librairie favorite, quand j’ai reconnu la photographie à contre-jour de la saison 5 d’une de mes séries favorites. Car oui, contrairement à ce que l’on aurait pu penser, l’ouvrage ne reprend pas le logo officiel de la série, ni la police. Question de droits, probablement, surtout quand on sait comment sont chiants les gens de M6 – qui détiennent les droits d’exploitation de la licence – à ce sujet, ce qui explique en partie le fait qu’Astier n’ait pas encore pu se lancer dans la réalisation de ses films.

Un poche, c’est fait pour se trimbaler partout, pour s’amuser à le sortir n’importe quand parce qu’on a envie de le lire, même sur la ligne D du métro Lyonnais, un soir de match, même pour 2 minutes entre Jean Macé et Saxe-Gambetta sur cette même ligne D. Mais pour autant, a-t-on envie de sortir un essai, un truc qui demande de se creuser la tronche pour se rappeler où on en était, quelle partie de la démonstration était importante à se remettre en tête avant de poursuivre la lecture, etc, pour aussi peu de temps et, alors, le format poche et la transportabilité du machin sont-ils réellement un avantage ?

Bah déjà oui, parce que si vous achetez un bouquin, c’est que vous avez envie de le lire, a fortiori si ce matin, après vous êtes aperçus au bout du cours Lumière que vous avez zappé de prendre un bouquin pour votre pause, vous vous êtes retapé le boulevard dans l’autre sens, avez gravi les escaliers comme un doux dingue, ouvert à la volée la porte de votre appartement du deuxième, le dernier au fond du couloir qui plus est, réveillé votre moitié et vous êtes fait agresser par un chat qui s’aperçut alors soudainement que vous étiez l’humain responsable de son non-nourrissage du matin, eh bien si vous avez fait tout ça pour remonter chercher un bouquin et que vous êtes redescendu avec celui-là, déjà, on peut se dire que vous aurez envie de le sortir.

Mais, on ne va pas se mentir, la principale raison tient au style et à l’écriture de Nicolas Truffinet qui, en plus d’avoir un nom rigolo, réussit à livrer un texte à la fois savant et accessible, qui a le chic pour nous rendre évidents des éléments que l’on a vu 50 fois sans les relever. On y reviendra.

Enfin, l’impression. Vous le savez, on en a discuté et ici avec André-François Ruaud, j’aime bien regarder les lieux d’impression des bouquins que je lis et là je tombe sur :

Cet ouvrage a été achevé d’imprimer en novembre 2014 par Pulsio.net
Imprimé en Union Européenne.

Alors j’ai cherché qui que c’était donc que Pulsio.net. Et bien c’est un imprimeur français qui propose ses services d’impression depuis 2004 aux éditeurs pour se faire livrer leurs commande en moins de 10 jours. Bim. Chrono en main. Et ils n’y vont pas avec le dos de la main morte :

En faisant appel à nos services, vous réduirez de façon concrète et significative vos coûts de fabrication (10 à 40 % d’économies réelles) tout en bénéficiant d’une qualité irréprochable, d’un service clientèle réactif et compétent , ainsi que de délais très courts : impression & livaison en 10 jours.
Nous fabriquons les livres de plus de 450 éditeurs francophones, (Artège, l’Aube, l’Age d’Homme, les Belles Lettres, de Fallois, Presse Universitaires de la Sorbonne, Oskar, Milan, L’Harmattan…) et imprimons plus de 4 000 titres par an : essais, romans, livres de poche, encyclopédies, livres d’art…
Nous livrons de façon hebdomadaire la plupart des distributeurs/diffuseurs, tels que : les Belles Lettres, Interforum, Hachette, Sodis, Pollen Littérale, U.D., Volumen, Daudin, Dilisco, Harmonia Mundi, Cap diffusion, Belin, Vilo, Avm …

C’est la première fois, je crois, que je les rencontre, et je ne sais pas réellement à quel point ils sont présents dans le milieu, mais on pourra toujours, à l’avenir, ouvrir l’oeil si on recroise leur chemin !

Le seul truc à reprocher à ce livre, c'est qu'il est probablement trop court. J'en aurais aimé plus.

Le seul truc à reprocher à ce livre, c’est qu’il est probablement trop court. J’en aurais aimé plus.

Une quête savante

Je vous en avais parlé la dernière fois, les éditions Vendémiaire* vous accueillent sur leur site internet avec un petit message qui vous explique ceci :

« A rebours d’une production solennelle et savante, nos ouvrages s’appuient d’abord sur les archives, et sur les témoignages. Nous voudrions rendre la parole aux hommes du passé, nous substituant à eux lorsque c’est nécessaire pour mieux comprendre leurs histoires.
[…]
Loin de parier sur l’attente supposée d’un public imaginaire, et loin de l’idée que nous détiendrions une quelconque vérité et qu’il nous incomberait de la divulguer, nous ne cherchons pas éduquer, transformer, professer.
Mais, avec nos auteurs et nos lecteurs, à comprendre, à apprendre, à déchiffrer. »

Apprendre à déchiffrer, oui. Mais à rebours de la production solennelle et savante, alors voyons plutôt. On a dit qu’on y reviendrait, revenons-y. Nicolas Truffinet, c’est qui ? C’est un mec qui est doctorant en histoire à Paris 1 et aussi critique de cinéma et scénariste. Je ne vous dis rien de bien spécial, c’est noté sur le quatrième de couverture. Par contre ce qui est intéressant, c’est que ces différentes casquettes sont toutes présentes dans le propos de l’auteur.

En effet, ce dernier ne nous perd pas dans le propos. Il replace la série à la fois dans son contexte formel de parution, c’est-à-dire à la suite de Caméra Café qui, elle, était arrivée à bout de souffle, sur un format très court, format qui sera appelé à évoluer, et dans son contexte chronologique au sein de la Matière de Bretagne, un peu comme je le faisais avec Mordred et L’Île Close. L’ensemble est très harmonieux et nous livre très probablement le meilleur ouvrage jamais écrit sur la série.

Mais que contient-il ? Intéressons-nous à son plan :

  • Métamorphoses
  • Une esthétique de l’éclectisme
  • Tristesse et décadence
  • La quête ultime
  • + une courte partie sur un brin d’histoire des personnages principaux.

Dans sa première partie, on l’a précisé au-dessus, il propose une présentation – à la limite de l’analyse – assez simple mais indispensable de son sujet d’étude des différents formats successifs par lesquels va passer la série et ce que cela implique en termes de narration – rappelons le côté scénariste de l’auteur – et de forme. Cette partie est découpée en 6 parties, une par saison, qui retracent à la fois, on l’a dit, les évolutions formelles et les évolutions des thématiques. On passera ainsi, au fil des saisons, de saynètes burlesques à spleen et sentiment, un découpage bien senti et qui permet à tout le monde de se retrouver sur une base commune à partir de laquelle appréhender le reste de l’ouvrage.

La partie suivante nous apprend rapidement d’où Astier tire ses influences, dresse des parallèles entre ses oeuvres et à travers l’histoire de l’art et des sciences, pour essayer de comprendre en quoi cette conception visuelle, humoristique, narrative est nouvelle… ou pas. Pas la partie la plus grandiose, mais on y progresse toujours avec plaisir.

Ce sont les deux dernières parties, surtout, qui apportent le plus et font passer ce petit essai – 130 pages seulement on le rappelle ! – de la catégorie de truc sympa à la catégorie des trucs à retenir dans un coin. Ces parties sont simples, comme tout le reste. De ce point de vue là, on est bien dans les cases voulues par Vendémiaire* : à rebours de la production solennelle et savante. Nicolas Truffinet a beau être en doctorat d’histoire, on sent bien que la période choisie par Astier pour y placer Kaamelott n’est pas sa tasse de thé. Et est-ce grave ? Non pas ! Car plutôt que de s’embourber dans d’imprudentes conjectures et explications confuses, l’auteur choisit la simplicité et va à l’essentiel. Il rappelle les origines des mythes, dresse à nouveau des parallèles avec les miroirs des princes, joue avec le sens des choses… Si vous voulez prolonger, compliquer ou que sais-je encore, il y a la bibliographie, elle même simple mais efficace.

Après les considérations historico-adaptationnesques – si je vous assure, ça passera comme une lettre à la poste – Truffinet pose enfin les justifications à la thèse de son bouquin : en quoi la série Kaamelott est-elle une Quête du savoir ? Je ne vous en dirai pas plus sur cette dernière partie, qui me semble être la plus pertinente, quoique la plus courte, de l’ouvrage.

Bon, juste pour vous dire que j'ai mis 40 minutes à prendre une photo potable de ce bouquin, parce que Sa Sainteté Patounator semblait manquer d'attention de la part de son humain de compagnie.

Bon, juste pour vous dire que j’ai mis 40 minutes à prendre une photo potable de ce bouquin, parce que Sa Sainteté Patounator semblait manquer d’attention de la part de son humain de compagnie.

R² : relire et revoir

Nicolas Truffinet n’est pas un fan de la première heure, pas un vrai, pas un maniaque des répliques et de la citation exacte. Quand vous aurez fini de lui lancer des pierres – MORDU MORDU MORDU MORDU MORDU MORDU MORDU MORDU MORDU MORDU MORDU MORDU MORDU MORDU MORDU MORDU MORDU MORDU MORDU MORDU MORDU MORDU MORDU MORDU MORDU MORDU MORDU MORDU MORDU MORDU – je vous invite à retrouver l’auteur dans cette interview dans laquelle il explique son processus de création, que je trouve à la fois pertinent et intéressant. Au final Kaamelott, ou la quête du savoir – dont voici la page facebook – c’est un peu le format Que sais-je de ce que j’attends, moi, fan hardcore de la série, sur une oeuvre aussi grandiose. Star Trek y a eu maintes fois droit et des générations de trekkies ont bandé en lisant des bouquins décortiquant leurs épisodes préférés, tout comme La Quatrième Dimension.

Nul doute cependant qu’un tel ouvrage ne redonne goût à la série à environ 100% de ses lecteurs. La formule choisie par Vendémiaire* pour proposer le produit est la bonne, si l’on peut dire, tant au niveau du prix que du format. C’est la bonne méthode, dirons certains, pour faire rencontrer son public un texte qui pourrait passer pour insipide et peu attractif, du fait même de sa nature, une étude sur une oeuvre.

Quant à l’auteur, il sait fouetter son texte pour que ce dernier reste bien centré et ne digresse pas. Le fait qu’il soit critique de cinéma ne doit pas y être étranger. Dans tous les cas cette lecture saura faire basculer la volonté de certains pour donner plus de crédit à un chef-d’oeuvre comme la télévision française en produit trop peu et saura faire exploser celle des autres, ces mendiants qui n’attendent qu’une chose : la sortie de cette fucking trilogie dans les salles obscures.

Parce que, j’voudrais pas dire, mais depuis l’temps qu’on l’attend, celle-la, on en a gros !

Vil Faquin.

Dans la même collection : Mythe et Idéologie du Cinéma Américain,
Star Wars – Une saga, un mythe
.
Sur le même sujet : Kaamelott, les scripts.
Sur la Matière de Bretagne : Mordred – L’Île CloseLe Cycle Graal
 et Mordred, ou l’abysse des sens.

13 commentaires

  1. En voilà un que je cherche désespérément en librairie depuis novembre ! J’ai la flemme (ou la non-envie plutôt) de le commander.
    En tout cas, c’est évident qu’il est tout petit, le pauvre, il fait tout guèze. ^^

      1. Fais une commande sur lalibraire.com Tu l’achèteras ainsi dans le stock d’une librairie partenaire qui le fera livrer dans une autre près de chez toi. Ainsi tu fais marcher les libraires !

  2. Juste un petit commentaire technique: Pulsio est en réalité un imprimeur Bulgare. Il travaille beaucoup avec la France (plus ou moins bien selon les bouquins) à la fois en impression classique, numérique et à la demande. mes dix centimes!

    1. Merci de la précision !
      Sur leur site, ils nous informe qu’ils sont français avec des partenaires en Europe de l’Est. Du coup, je suppose qu’ils donnent les infos différemment selon leur intérêt 🙂
      Merci en tout cas !

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