Interview Gauthier ‘Go@t’ Lion / 21.3.15

Interview de Gauthier ‘Go@t‘ Lion

Billet à lire : Wastburg.

Présentation

Bonjour, t’es qui ? Un beau gosse. Le gendre idéal. L’homme parfait. Avec le poil soyeux. Et modeste, avec ça.

Ca va ? J’veux dire la vie, la famille ? Plutôt bien, oui. Je suis papa célibataire d’une charmante petite fille de 4 ans. J’ai déménagé sur Paris depuis un peu plus de 6 mois pour le boulot. Et c’est une excellente source d’inspi pour Wastburg, ça tombe bien !

Et sinon, tu as un vrai métier ? Je travaille pour l’administration. Celle qui cherche des fraudes et du cheval dans le bœuf. Ça risque aussi de se retrouver dans un scénario un jour ou l’autre, ça.

Ils sont beaux mes purgeards ! Frais ! Frais ! Les gras purgeards !

Ils sont beaux mes purgeards ! Frais ! Frais ! Les gras purgeards !

Œuvre

Présente-moi ton parcours, beau gosse. Ça va être un peu long. Je joue depuis le collège (13 ans, Warhammer 1, campagne de l’ennemi intérieur). On va sauter directement au début des années 2000 où j’ai commencé à discuter via le net avec des auteurs de jeux de rôle amateurs, notamment Blackened (de Mikael ‘Pyromago’ Cheyrias) et Patient 13 (de Anthony ‘Yno’ Combrexelle) et à envisager de publier des trucs. J’ai découvert de nouveaux horizons, des jeux expérimentaux bien loin de ceux édités dans le circuit. Et souvent bien plus jouissifs par leur côté déjanté. En 2005, j’ai participé à l’édition française de Boule de Neige, en écrivant des accroches de scénarios, puis en écrivant Boule de Givre, un gros supplément pour le jeu avec deux acolytes du forum Casus NO, Drulaan et Psolyca. La même année, j’ai aussi rencontré Julien Blondel aux Joutes du Téméraire, une convention de jeux sur Nancy. Il venait pour la sortie de Vermine (pdf), un jeu que j’attendais depuis 2 ans. On a tapé le bout de gras, et un peu après j’ai commencé à bosser sur la gamme. Sur « Parasite & Symbiote » et « Rumeurs 2037 » très précisément. A peu près au même moment, j’ai aussi participé à « Aventures Dans le Monde Intérieur » (de Mikael ‘Pyromago’ Cheyrias), en réalisant une partie du bestiaire. Ah et toujours la même année (décidément c’était bien, 2005), j’ai aussi participé aux playtest du dK première édition. Et j’ai commencé à produire du contenu, avec les Guides du Soudard et arKipels² (l’adaptation des Archipels au dK², voir pdf), finalisé en avec Lionel Meroni. Le dK m’a bien occupé pendant 7 ans. J’avais un peu perdu de vue le circuit « pro », du coup je publiais mes trucs au sein de Gobz’Ink, un collectif d’ôôôteurs au poil soyeux comme le mien et presque aussi talentueux. J’ai aussi un peu participé aux éditions françaises de Lady Blackbird (pas le chapitre originel) en traduisant « Sombres Cieux » (le chapitre 2), en écrivant « Au-delà des Tréfonds » (le chapitre 3) et en compilant « Lady Blackbird pour les nuls ».  Je pensais être libéré du JDR pro. Et là, patatra, Cédric Ferrand a encore frappé et je suis retombé dedans avec Wastburg.

Raconte-moi tes relations avec ton éditeur et avec l’auteur, Cédric Ferrand dont tu prends la suite. Tout a commencé avec Boule de Neige, jeu narrativiste qui m’a énormément plu. C’est Cédric qui l’a traduit en lançant un concours sur le forum Casus No pour avoir pléthore d’accroches de scénarios. On avait pas mal parlé du jeu à l’époque. Ensuite, il bossait avec Philippe Fenot sur la gamme Vermine (entre autres) sur laquelle j’ai bossé également. C’est aussi un intervenant régulier du forum Casus NO. Du coup, on se connait via le net. Quand Wastburg est sorti, j’ai relu le système et adoré. J’ai vite chopé le roman et adoré. Du coup, j’ai acheté le jeu et adoré. Après j‘ai eu la chance de trouver une table de Wastburg sur Dijon pour découvrir la chose en tant que joueur (t’y étais, d’ailleurs à cette table, Vil Faquin ! [ndlf : CALOMNIES]) Et j’ai eu envie de mettre des choses par écrit. Quand j’ai parlé à Cédric de faire une aide de jeu, il m’a demandé si je pouvais tenir une extension entière sur le sujet. Avec la modestie qui me caractérise, j’ai évidemment répondu oui. Concernant le taf, c’était à la fois très libre et parfois très dirigé. On me laissait la bride sur le cou et j’envoyais les premiers jets des chapitres à Sébastien Célerin, des XII Singes,  et Cédric Ferrand. Et là j’ai eu droit à de vrais gros retours. Pas juste une relecture orthographique. Des remarques constructives sur la jouabilité, la lisibilité et la clarté. Du pro, du lourd, du bon. Du coup, je suis vraiment impressionné du saut de qualité entre les premières versions et celle du bouquin. J’ai vraiment bien vu le rôle de l’éditeur et son intérêt, pour le coup. (Oui, ceci est une référence au podcast de la cellule.) Ça et le fait d’avoir des illustrations de Rolland Barthélémy pour ses PNJ, j’avoue que j’ai vraiment passé un bon moment à écrire Fleur de Purge. Et je suis vraiment fier du résultat.

D’autres projets ? Je caresse toujours l’idée d’écrire mon jdr (au point d’avoir déjà écrit une note d’intention et la description du projet, commencé à écrire le système, etc.) mais en ce moment je n’ai tout simplement pas le temps. J’ai une idée de roman aussi, qui sortira certainement un jour de ma tête. Un truc sans fantastique, histoire de changer, et dans le genre dépressif déprimant. Mais idem, pas le temps. Je n’ose même plus évoquer Lost People ou Mnesis, d’ailleurs. En fait, mon temps d’écriture disponible passe dans Wastburg sur les prochaines extensions et quelques surprises. (Le maton en chef m’a pas donné l’autorisation d’en parler alors je voudrais bien éviter la cage [ndlf : mais tu nous sers à quoi alors ? Ce sera le fouet, beau gosse].)

L'écran du Jdr Wastburg, qui donne le ton : ça pendouille, y'a de la bicoque, ça sent la bouse.

L’écran  qui donne le ton : ça pendouille, y’a de la bicoque, ça sent la bouse.

Critique

Alors j’ai lu, et j’ai envie de parler de Fleur de Purge, le supplément pour Wastburg dont tu es l’auteur. Tu nous racontes d’où il sort ? De ma fascination pour le tatouage, au travers de bouquins comme Bas-fonds du crime et tatouages, les Russian tattoo encyclopedia ou Biribi. Du coup, le système des tatouages judiciaires appliqué dans Wastburg m’a fort intrigué. Et j’ai eu envie d’élargir le panorama, de rajouter du grain à moudre pour les mjs sur ce sujet en évoquant les différentes populations qui ont recours au tatouage (en plus des criminels) : filles de joie et souteneurs, marins et soldats, anarchistes en tous genres, etc. Et puis de parler des tatouages en eux-mêmes, des symboles qu’ils arborent et leur signification, des outils nécessaires à leur réalisation (pas forcément évidents à se procurer au mitard), des éventuels moyens de les faire disparaître. Bref de faire un peu le tour du sujet. La suite logique c’était de causer de la prison.
Ça tombe bien, c’est un autre truc qui me fascine. Je suis un gros fan de la série OzOrange is the New Black et de Bad girls, ou de docus comme « l’enfer des prisons » ou « la marque de Caïn ». La boucle était bouclée. Là encore, j’ai voulu donner un max de trucs intéressants à sortir en jeu : les favs (la monnaie de la purge), le banquier, le registre, les matonnes, les visites nuptiales, la maison de correction, la section des femmes, etc.
Et, histoire de rendre le truc sexy aussi pour ceux qui ne partagent pas mon intérêt pour ces sujets, je file aussi plein de billes en plus du thème: comment aller enquêter dans d’autres quartiers, les ligues de vertus, les flétrisseurs, des groupuscules politiques, les postiers, les intronisations dans les bandes, le conseil des anciens, le couloir de la mort, les libellules, la répression loritaine, et je suis sûr que j’en oublie.
Mais, honnêtement, en tant que gardoche, la Purge est un lieu de passage obligé, même sans y bosser : tu y emmènes les prévenus, tu peux « escorter » des dossiers entre le théâtre/tribunal et les archives de la purge, tu vas visiter les purgeards pour avoir des infos sur une souillure qui y séjourne régulièrement ou sur des fusains inconnus, tu vas interroger des gars déjà en taule sur des affaires en cours, tu peux y avoir de la famille (un gosse ? Ta soeur ?), etc. C’est loin d’être la fin de la course pour les graines de purge, ce serait trop simple.
Le scénario, lui, est venu d’un truc qui m’arrive souvent : un titre qui fait pop dans ma tête. Et comme je savais déjà à peu près la structure que je voulais, c’est allé assez vite : pour faire découvrir pas mal des sujets abordés dans les aides de jeu, je m’étais fixé sur 3 affaires différentes avec 3 PNJ qui agissent en toile de fond. C’est peut-être un poil touffu, ça risque de demander du boulot des MJs mais je pense que c’est plus intéressant.

Quelles sont les principales difficultés à reprendre une œuvre qui ne nous appartient pas ? Respecter le ton de l’univers. Wastburg, ça suppose une gouaille bien particulière. J’avais commencé la rédaction de manière classique. Et je me suis vite ennuyé. Et ça ne collait pas du tout au truc. C’est ce constat qui a abouti à la naissance du vieux Kazenik et de Marek, les « narrateurs » de l’extension. Et ça rendait le truc bien plus vivant, plus immersif. Je les aime bien, ces deux-là. Je vais essayer de les faire intervenir dans des scénarios, en mode clin d’oeil. Sinon, je pense que les éléments que j’ai amenés sont dans l’esprit. Les remarques de Cédric portaient sur des trucs assez mineurs, vite corrigés.

Une question me taraude, pourquoi ? Pourquoi reprendre l’œuvre d’un autre ? Wastburg fait partie de ces jeux qui m’ont donné envie spontanément d’écrire des trucs dedans. J’avais envie de développer les tatouages judiciaires et la prison. En fait, le côté très ébauché du roman et du guide de la cité sur certains aspects me donnait envie de combler les trous moi-même. C’est vraiment motivant, je trouve. Et le fait d’avoir des extensions régulières, pas toujours du même auteur, réserve des petites surprises même quand on fait partie de l’équipe.

L’expérience de jeu est-elle primordiale dans la rédaction ? Je dois dire que la table à laquelle j’ai jouée sur Dijon [ndlf : merci qui ? Comment ça je me grille ?] était parfaitement dans le ton. Et les interrogations qu’on a eues sur le système m’ont permis de voir un peu les endroits qui posaient problème. J’aimerais d’ailleurs bien que le MJ couche ses idées sur papier parce que c’était vraiment très bien. Faudra qu’on le harcèle, Vil Faquin [ndlf : vendu]. Ensuite, j’ai fait tester le scénario de Fleur de Purge sur Montpellier (Salut, Paul ! Salut, Laurent ! Salut, Lorenzo !) Et ça m’a permis d’identifier des trucs qui semblaient intéressants sur papier et se sont révélés inutiles en jeu. Mais ça rejoint une discussion sur Casus No concernant l’intérêt du playtest : quand c’est toi qui l’as écrit, tu n’as guère de problème à combler les trous et l’intrigue est finalement claire dans ta tête vu que c’est là qu’elle a germée. J’ai eu des relectures d’autres MJs et c’est finalement ça qui était le plus intéressant et productif, en fin de compte.

Maintenant que tu as bossé sur le jeu, est-ce que tu arrives encore à prendre du plaisir à y jouer ? Spécialement à ton édition dont tu es censé maîtriser jusqu’aux abus et aux failles ? (et te connaissant tu dois t’en donner à cœur joie) La ville est suffisamment vaste et ébauchée pour permettre d’avoir encore plein (mais vraiment plein, hein) de trucs à dire. J’aime énormément le système et j’ai envie de continuer à y faire jouer. Faut vraiment que je me monte une table sur Paris [ndlf : ou sur Lyon].

Je sais que le monde des rôlistes est restreint, tout le monde connait tout le monde, c’est chambreur, il n’y a qu’à voir ton mur facebook. Vas-y balance des infos. Bon, je ne garantis pas la véracité de toutes ces informations. Mais il parait :

  • Que Yannick Polchetti est un hipster.
  • Qu’Islayre d’Argolh est un gars sympa en fait. Il cache juste bien son jeu. Ah et il sort bientôt un nouveau kickstarter pour adapter La Cité Sans Nom à Rolemaster.
  • Que Côme Martin est majeur à présent. Mais vu qu’il ne veut pas montrer sa carte d’identité, je n’y crois pas trop.
  • Que Loris Giannada va m’emmener un jour en séjour romantique dans les sous-sols de Paris.
  • Que Matthias Haddad et Anthony Combrexelle vont un jour sortir la suite de Silences.
  • Que Cédric Ferrand est le parrain du gang de la poutine.
  • Que Jérôme Larré est un romantique, dans le fond. La batte cloutée et les rotules pétées, c’est parce qu’il assume pas.
  • Que Jérôme Barthas a bien un accent du sud en vrai.
  • Que Nicolas Suc devrait venir plus souvent sur Paris.
  • Qu’Alban le Collen y est également attendu de pied ferme.
  • Que Julien Rothwiller va écrire un jour un chapitre de Lady Blackbird. Enfin quand il sera sorti de la secte fatienne.
  • Qu’Emmanuel Moreau contrôle toutes les synergies du JDR à Lyon à travers la secte du cercle brûlant, dont il est le gourou.
  • Que Florian Poinsignon publiera un jour le Dkandjar et le Grimoire Synergique.
  • Que Yann Herpe va un jour révolutionner le space opera s’il se sort les doigts.
  • Que Willy Mangin va faire pareil avec les films d’action burnés.
  • Qu’Emmanuel Bedouet et Mark Bourcy sont bretons. (Oui, c’est moche. Mais il faut que le monde sache !)
  • Que Franck Bouvot boit (au moins) autant de bières que moi.
Wastburg et son pendant JDR avec les trois premières extensions, un jeu simple à prendre en main sur lequel on reviendra bientôt !

Wastburg et son pendant JDR avec les trois premières extensions, un jeu simple à prendre en main qui sent la gouaille et la tripe.

 Meta

  • Ton livre préféré ? Index, de Peter Sotos.
  • Ton morceau préféré ? En ce moment, c’est The Day Is My Enemy de The Prodigy. Mais Fall on Their Swords de Napalm Death est pas loin derrière. Je n’ai pas encore assez écouté le dernier album pour avoir un morceau préféré dessus.
  • Ton jdr préféré ? Vermine. Le système a vieilli*, mais il est tellement bourré de bonnes idées. Notamment les événements qui influent sur l’univers de jeu à la fin de chaque scénario. Je m’étais retrouvé à maîtriser 3 tables en parallèle à l’époque et j’avais 3 univers différents en terme de surnaturel, de taille de la vermine et d’ambiance de jeu. Bon, Loup-Garou l’Apocalypse aussi, pour l’univers énorme.
  • Ton boardgame préféré ? Je ne suis pas très plateau [ndlf : tu disais pas ça devant Twilight Struggle]. J’aime bien mais je ne pratique pas régulièrement. Je préfère le JDR, honnêtement. A choisir, je dirais Supergang. (C’est là qu’on voit que je suis vieux.)
  • Ton film préféré ? Y en a plein. Je dirais le Rocky Horror Picture Show. Ou Brazil. Ou Bienvenue à Gattaca. Ou 28 Jours plus tard. Ou Filles perdues, cheveux gras. Ou Priscilla Folle du Désert. Ou Alien 3. Ou Six-String Samourai. Ou Beetlejuice. Ou… Bon, bref, j’ai du mal. [ndlf : et moi je suis con d’avoir demandé]
  • Ton auteur préféré ? Je n’en ai pas. Je papillonne pas mal en littérature.
  • Ce que tu n’arriveras jamais à lire, même en te forçant ? Tolkien, le Balzac de la fantasy. Plus soporifique, tumeur. Ou Lovecraft : ça ne me parle tout simplement pas.
  • Un truc inutile dont tu n’arrives pas à te passer ? Le café. Mais c’est loin d’être inutile. Sans, la vie ne vaudrait pas la peine d’être vécue.
  • Information secrète. Il parait que je suis brasseur. Bon on dit aussi que c’est juste pour justifier ma consommation de boisson fermentée à base de malt et de houblon. Les gens sont cruels.
  • Le mot du Faquin. J’ai envie de dire « anachorète », là. Sans raison. Je peux ? [ndlf : non]
  • Complète : « Est-ce que…? » « Est-ce que je vais arriver à finir de répondre à ton interview longue comme un jour sans bière ? » Non, parce que c’est long, quand même. En plus, le fait de m’avoir enchaîné au mur sans une bière ou même un café, c’est vraiment rude.
  • Qu’as-tu à dire pour ta défense ? La défense c’est pour les faibles.

* Mais quelqu’un l’a modernisé ! C’est Cryoban qui s’y est collé en adaptant le système au GRIT de LG.

Vil Faquin.

Sur le même sujet : WastburgJouer avec l’Histoire.
On en parle ici : Littérature et Jeu de rôle.
Par l’auteur de WastburgSovok.

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