Dark Moon (Dark Moon)
David Gemmell
Mort trop tôt pour certains, au sommet de son art pour d’autres, un génie pour d’aucuns, qui déplait parfois, fascine souvent, David Gemmell a été et restera l’un des auteurs de l’âge doré de la nouvelle vague de la fantasy. Ce qui est sûr, c’est que cet auteur prolixe a toujours été lu assidûment depuis Légendes, son premier roman en 1984, et continuera de l’être encore pendant longtemps. Il ne se passe jamais une semaine à la librairie sans qu’une bonne demie douzaine de lecteurs s’arrêtent dans le rayon où il trône anonymement parmi ses pairs, et feuillettent les pages de l’un de ses ouvrages, dans les nombreuses éditions (grand format, poche, hardcover, deluxe, limitée…) offertes désormais par les maisons d’éditions – Bragelonne notamment. Gemmell se vend, Gemmell se lit, Gemmell se ressent.
Après cette entrée en matière, digne d’une de ces élégies contemplatives dont le XIXème siècle avait le secret, je ne peux qu’à moitié cacher ma honte. Amateur de littératures de l’imaginaire, je n’ai quasiment rien lu de lui. Et ce n’est pas faute de ne pas avoir eu l’occasion, ou le temps. J’ai découvert le monsieur il y a déjà… onze ans et depuis… hé bien je n’ai pas voulu relire un Gemmell. Pourquoi ? Peut-être simplement parce que cette expérience de lecture m’a énormément marquée. Je m’étais effectivement frotté à l’époque au Lion de Macédoine, dans l’édition poche qu’en fit Folio SF en 2002 (L’enfant maudit, La mort des Nations, Le prince noir et L’esprit du chaos) et j’avais été soufflé par la virtuosité de l’écriture, la facilité avec laquelle se mêlent en une même trame réalité historique et justifications fantastiques.
Le livre-objet
Et pourtant quand Milady – filiale de Bragelonne – a réédité une partie du catalogue du monsieur en poche début 2014, je me suis dit : « Ecoute Vil, tu as aimé Gemmell, il serait bête d’à nouveau passer à côté de l’occasion d’en lire plus, encore un peu plus, toujours un peu plus ! » et j’ai jeté mon dévolu sur un roman one shot que certains rapprocheront volontiers du Cycle Drenaï, que je n’ai donc pas lu.
Je me permets de passer quelques instants sur l’objet-livre que j’ai eu entre les mains pendant les quelques jours de lecture. L’édition en question est donc celle-ci : Dark Moon, Milady, février 2014 sur une traduction de Karim Chergui. Un mot d’abord sur la traduction qui, si je n’ai rien à reprocher à l’homme vu la place qu’occupent ses traductions dans mes lectures (de Scott Lynch à Gemmell, entre autres) il ne livre pas là son meilleur travail. N’ayant aucune difficulté avec l’anglais, j’aime néanmoins à lire en français, probablement un trait de ma faquinerie, on ne se l’explique pas. J’ai cependant jeté un œil à la première édition anglaise du bousin et diantre ! certains passages perdent de leur saveur et auraient mérité une traduction mieux adaptée ou mieux ajustée. Enfin, comme je le disais un peu au-dessus, cela arrive et Chergui est impeccable sur Lynch, alors on lui passera aisément.
Ce qu’on ne passera pas – non je vous interdis de le passer ! ho ! – c’est l’édition. Autant Bragelonne nous a habitué, depuis le temps, à ses éditions soignées, souvent abordables d’un point de vue financier, mais aux reliures souvent trop fragiles (je me souviens avec peine de ce grand format de La Marque, le tome premier de la trilogie de Kushiel de Jacqueline Carey et de mes chapitres entiers reclassés au trombone après la seconde lecture) et aux quatrièmes de couverture à la conviction douteuse (notamment celui de la même Marque au format poche qui est effrayant de fadeur), autant Milady déçoit rarement en termes d’éditions format poche bâclées. Dans le cas présent on a pour 8.20€ un ouvrage des plus corrects. A priori. Parce qu’il faut bien admettre qu’à la lecture on est loin du niveau que l’on serait en droit d’attendre pour une édition à ce prix. Folio SF fait moins cher et plus pro, pour le coup. Déjà, les pages qui ne sont pas imprimées droites. Cela pourrait être une erreur ponctuelle d’un ouvrage particulier mais c’est au contraire un caractère récurrent des publications fantasy et sf de chez Milady (on en reparlera avec Terre : planète impériale d’Arthur C. Clarke).

Tu la vois ma belle lune noire ? Hein tu la vois ?
(suite…)