Gloom

Gloom

Keith Baker

« Ma vie c’est d’la merde ! »

Vous avez déjà tous entendu cette réplique – parfois suivi de la mention « et je l’échangerais bien contre celle du roi du Maroc » – ou peut-être l’avez vous prononcée vous-même. Partant de là, trois voies s’ouvrent à vous.

Et quand je dis trois choix, je ne dis ni deux, ni quatre, mais bien trois, car trois est le chiffre qui doit être compté, et le chiffre qui doit être compté est bien trois. Cinq ne convient pas. Et une fois que vous avez atteint le nombre trois, qui est le troisième nombre, il se passe quelque chose en rapport avec le titre de cet article. Et si vous n’avez pas compris le délire sur le trois, cliquez ici.

Gloom, c'est un peu La Famille Adams des gens qui n'ont pas envie de faire souffrir leur vraie famille. Parce que si c'était le cas, ils ne joueraient pas à Gloom, mais à GTA à Fleury.

Gloom, c’est un peu La Famille Adams des gens qui n’ont pas envie de faire souffrir leur vraie famille. Parce que si c’était le cas, ils ne joueraient pas à Gloom, mais à GTA à Fleury.

Heureux les tristes !

Or donc :

  1. Vous confirmez : « Oui. En plus le Maroc c’est pas si loin. Et, étant donné, que tu vis au 9e étage avec ascenseur et vide-ordures, Sa Majesté Mohammed VI sera partante pour l’opération « on a échangé nos mamans » version plus couillue. »
  2. Vous bottez en touche en changeant habillement de sujet avec une anecdote : « Tu savais qu’on ne pelait pas les bananes par le bon sens ? Parce que dans la nature, les singes ne les pèlent pas par la « tige » comme nous : ils les pèlent directement sur le bananier sans les cueillir. Ils appuient grâce à leur pouce opposable sur l’extrémité qui leur fait face. Là, ils peuvent ensuite décalotter leur fruit et même enlever ce petit bout noir qu’on n’aime pas du tout manger. Ils sont malins ces petit singes, non ? »
  3. Vous infirmez : « Je t’arrête tout de suite ! Je crois que tu te plains un peu vite mon canard ! Moi j’ai une vie de merde ! Aujourd’hui, pour moi, c’est l’Enfer ! Le Vietnam ! T’as peut-être plus de boulot et une tumeur sous la langue qui t’empêche de déglutir, mais moi j’ai dû me taper 5 épisodes de Joséphine, ange gardien en italien sous-titré russe pour faire plaisir à ma grand-mère dont la TV est bloquée sur La7 Italia. Et le pire c’est que sans parler ni italien, ni russe, je comprenais très bien à quel point c’était de la merde de voir une naine sauver la vie de gros glands incapables de se bouger le cul… » Bref, vous infirmez et vous imposez votre vie en exemple comme étant plus de la merde que celle de votre adversaire… Et vous gagnez le droit d’être premier joueur à Gloom, car dans ce jeu c’est le joueur qui a eu la journée la plus pourrie qui commence la partie.

Pour la fiche technique, Gloom est un jeu de cartes de chez Atlas GamesEdge Entertainment. Il a été créé par Keith Baker – qu’on ne présente plus et qu’on ne va d’ailleurs pas présenter dans un souci d’économie mais dont on vous dit juste qu’il a bossé sur TOUTES les adaptations de Gloom, et il y en a eu beaucoup -, illustré par Scott Reeves (et Michelle Nephew) et traduit dans la langue de Bernard Pivot par Sandy « Mamouchka ! » Julien.

C’est un jeu qui se joue de deux à quatre joueur et les parties peuvent durer environ 20 minutes – 1 heure d’après la notice mais sérieusement c’est rare – et abordable pour le tout-venant sans problème. L’originalité de ce jeu tient en deux points : son humour noir et son ambiance – ça, c’est un seul point – ET sa conception graphique – merci Scott ! – avec ses cartes transparentes faites pour se superposer les unes sur les autres et créer ainsi un gameplay original.

Dans Gloom, chaque joueur choisi une famille parmi les suivantes – à noter que toutes ces familles comptent cinq membres qui valent leur pesant de cacahuètes. Ya même un beau-fils rouquin… :

  • Château Besognard, représentée par un encéphale avec en chef de famille Le professeur Helena Besognard. Elle aime jardiner, se promener au clair de lune et ranimer les morts.
  • La Ciguë, représentée par un chapeau haut de forme avec un Majordome très menaçant – d’ailleurs je ne sais pas ce qui s’est passé, mais c’est forcément lui le coupable !
  • Le Guet d’Eausombre – nota bene : nom à réutiliser pour une ville improvisée à D&D aux côtés de Verteprairie et Sombreplaine -, représentée par une faux et avec un certain Willem Stark qui peut, comme son nom l’indique, mourir assez vite.
  • Et les Malheureux Manoirs des Malformations, famille circassienne qui compte dans ses membres un incroyable homme à barbe.

 

 

Le principe est simple, les superpositions ne le sont jamais. C'est là le sel, mes p'tits amis !

Le principe est simple, les superpositions ne le sont jamais. C’est là le sel, mes p’tits amis !

Pathos, c’est un pote à Cratos ?

Le but du jeu est d’avoir la famille qui a le score de pathos le plus faible – bien souvent dans le négatif – à la fin de la partie. La partie prend fin quand une famille est entièrement décimée. Car il faut qu’ils aient une vie de merde MAIS AUSSI – et surtout – qu’ils soient morts pour que leurs scores puissent être comptabilisés. Ainsi donc vous allez saper le moral des membres de votre famille en les faisant molester par les mendiants, pour mieux les noyer dans un marigot et chérir les membres des familles opposées en les amenant pique-niquer au parc.

Vous l’aurez compris l’ambiance générale du jeu se drape d’humour noir et décalé. Et pour ceux qui ne savent pas ce qu’est l’humour noir, c’est quand un papa demande à son fiston s’il veut aller se taper un foot et que ce dernier lui répond qu’il est paraplégique, à la grande désopilance – non, ce substantif n’existe pas – du susdit papounet.

Les personnages pourront donc être « nargués par des nains », « chassés par des caniches », « abandonnés dehors sous la pluie » et « maudits par les manouches » avant d’être « rassuré par le rabbin », d’avoir « fanfaronner  au festin » et d’avoir « contemplé des canetons » pour finir « dévorés par des ours », « étranglés par leur cravate » ou « morts sans soucis ». Précison importante : il est interdit de tuer un personnage ayant un score de pathos positif car il se raccroche à la vie, se saoule avec le bruit des corps qui l’entourent comme des lianes nouées de tresses, sans comprendre la détresse des mots qu’il envoie. Et ça, m’sieurs dames, c’est triste.

Pour ce qui est du gameplayOulah ! Ce mot fait toujours très sérieux [ndlf : sauf sur le 3615] – disons pour faire simple :

  • Le joueur actif peut faire une première action : jouer une carte, se défausser ou passer.

Les cartes transparentes seront donc superposées sur les suivantes :

  • Le joueur actif peut ensuite faire une deuxième action SAUF jouer une carte « Mort prématurée »,
  • Refaire sa main jusqu’à 5 cartes SAUF contre-indication par des cartes préalablement jouées,
  • Fin du tour du joueur actif.
Gloom est beau, Gloom est bon, Gloom vous veut du bien. Jouez-y !

Gloom est beau, Gloom est bon, Gloom vous veut du bien. Jouez-y !

Qu’est-ce qu’on se narre !

Il est assez important de jouer sur la narration des actions que vous faites pendant la partie afin de vous laisser porter par l’ambiance de jeu car cet aspect en particulier contient vraiment tout le piment de ce jeu qui est déjà garni d’une correcte dose de paprika. De plus, l’ambiance un peu à la Famille Adams, cynique, est plus simple d’approche que celle d’Atmosfear, par exemple, qui reste le « train fantôme » des jeux de plateau. Oui, vous allez me dire que je ressors la même rengaine que la dernière fois, mais, dans le cas présent, cette précision fait partie des règles du jeu ; il est même précisé que « La narration n’a rien d’obligatoire, mais laissez-vous tenter : ce sera bien plus amusant si vous faites un effort ». Donc merci monsieur Keith Baker de nous rappeler que le roleplay – ou l’incarnation du personnage au sens stanislavskien du terme, en français pédant avec de longues périphrases – a son importance même dans un « petit » de jeu de cartes.

Car, à bien y réfléchir, si on ne prend pas au sérieux une chose aussi futile que de jouer, alors rien n’est plus à prendre au sérieux.

L’Infâme Jé.

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