La Main Tendue (The Helping Hand)
Poul Anderson
Je les vois venir d’ici, les médisants à la petite semaine, les troublions bousculés dans leurs minables habitudes, les Morandinis de la blogosphère et autres braves pantins : « C’est maintenant qu’on pense à écrire ? Ca fait presque quinze jours que t’as rien posté, hé tocard ! » A ceux-là, je leur répondrai – il est vrai que la meilleure réponse à l’idiotie est le silence mais je ne vais pas traiter mon lectorat d’idiot, il me lit quand même ! Voilà qui l’exclut à jamais de cette catégorie – que, déjà, ça ne fait pas « presque quinze jours » que je n’ai pas écrit, mais exactement quinze jours. Alors je veux bien être la cible des critiques les plus virulentes – « Oh oui virulez-moi sans vergogne ! » Non mais sans déconner il vient d’où ce mot ? – et que les dates, c’est pas à une vache près, que c’est pas une science exacte, mais quand on sait pas, on se tait. Nah.
Bon pour l’activité, faut bien avouer que vous savez. Hum. Ouais. Bon pour ma défon… défense pardon, le blog n’est pas resté inactif puisque mon absence à permis d’introduire – hum – l’Infâme Jé dans vos esprits faibles (par ce biais et celui-ci) afin de vous habituer, comme lorsqu’on lâche un tigre dans la nature naturelle, à sa présence dérangeante. Il reviendra bientôt. Du coup, le concours Août, Nouvelles coûte que coûte est repoussé d’une semaine ! Mais je l’avais dit, I’ll be Back – comme disait Mozart -, et je le suis, back.
Et, bien que vous me preniez pour un banturle, je ne suis pas Back in Black ou Back to the Future ou encore Back in Time (non oubliez celui-ci), je suis Back in short story – oui, oui, cmb. Bref, cette fois-ci c’est avec une autre sommité de la sf que je reprends, le bien nommé Poul Anderson.

Je n’ai par contre pas compris le choix d’illustration de couverture pour cette nouvelle, le labyrinthe ne me parlant pas du tout, même après lecture.
Mister Anderson
On va rester (et pour la dernière fois) dans l’historiographie des littératures de l’imaginaire avec Dyschroniques chez le Passager Clandestin. Comme disait le regretté Jacques Le Goff en parlant des romans de chevalerie du XIII et XIV siècles, chaque oeuvre est « un miroir conscient des réalités de son époque« , légitimant par là même le travail de l’historien à partir des œuvres de fiction. Si, pour les périodes récentes (j’entends à partir du XIX siècle et l’essor de la presse), il est relativement facile de mettre en contexte chaque écrit et d’en comprendre les tenants et aboutissants en réfléchissant cinq minutes – désolé, BHL et Zemmour, vous avez pas les compétences requises pour le poste – les romans médiévaux ont longtemps été difficiles à contextualiser et étudier. Pourtant, Chrétien de Troyes révèle des pans de vie entiers de la jeune noblesse française de cette fin de XII siècle, bien que le gros le Goff ait pu dire de cette littérature qu’elle était (en substance) « le cri d’alarme d’une société consciente de sa fin inéluctable et proche » dans une grande fuite en avant généralisée qui a longtemps repoussé sa propre eschatologie – hum, deuxième article où je place ce mot, à croire que mes cours de scolastique me manquent.
Dans le cas des publications de la collection Dyschroniques que le PC – le Passager Clandestin hein, pas le Parti Communiste, sinon j’aurais écrit PCF ou PCUS bis (selon la période concernée), même si lui-aussi présente une forme d’eschatologie malsaine ces temps-ci, big up Pierrot ! – j’ai comme l’impression que c’est un peu la même. On a des auteurs du siècle qui réagissent en fonction de leur époque : quand Reynolds – fils d’un ponte du PC aux US, comme quoi les bolchos se cachent bien partout* – écrit Le Mercenaire ou quand Anderson écrit La Main Tendue, on sent la pression du temps.
Cela me fait rebondir sur (une conversation que j’ai eue avec) Monochrome à propos du but de la sf. Bon déjà, on est d’accord y’a pas un seul but à la sf. Comme dans un bon boxing day de Premier League, il faudrait plusieurs vies pour tous les compter. Celui que j’évoquais ici, c’était de parler des problèmes du temps, ce que Le Passager Clandestin explique lui-même : « interroger la marche du monde, l’état des sociétés, l’avenir de l’homme. » S’il est relativement facile de répondre à ces questions quand l’on est Normand – respectivement « Y s’peut behn qu’oui« , « Y s’peut behn qu’non » et « P’t-être behn ma bonne dame, j’peux pas dire – puisque ces personnes ont toujours réponse à tout – Alerte Racisme ? Assumée même ! – je précise que c’est justement ce style là de sf qui me correspond, que je recherche par-dessus les autres. Cela ne signifie pas que je ne lirai pas de space op’ classique, bien au contraire, mais seulement que c’est dans la recherche des motifs et de l’argumentation sous-jacente que je m’épanouis – telle une fleur de tournesol quand l’astre solaire pointe le bout d’son nez, à travers les perles mordorée d’une rosée frivole (oui une rosée peut être aussi frivole qu’Eve Angeli) – quitte à parfois rechercher ces sens sous-jacents alors qu’ils n’existent pas et, du coup, tourner en rond.
Ne t’inquiète pas, cher lecteur, je compte sur toi pour me rappeler à l’ordre !

Une nouvelle tellement courte que, même sous ce format, elle réussit à n’être pas plus qu’un marque page pour d’autres formats !
La main tendue dans ta face
Le titre de cette partie peut résumer l’intrigue de la nouvelle. Très courte, à peine 60 pages, La Main Tendue m’a accroché page 5 et m’a déposé page 66 sans freinage. L’histoire est très bien construite et remarquablement mise en page, tant et si bien, et c’est relativement rare pour moi à la lecture d’une nouvelle, que j’en ai oublié que je lisais une nouvelle et pas le début d’une Trilogie en 5 tomes et j’attendais vraiment la suite, dévorant page après page. Et la frustration de la page 66, pas mal atténuée avec la postface de mise en contexte, a été telle que j’ai cherché sur le net si, comme pour Le Mercenaire précité, un roman avait été extrait de la nouvelle. Bon, j’ai pas trouvé, et je suis toujours frustré – l’histoire de ma vie quoi.
Et puis, si que j’parlais du contexte juste avant, qu’il faut que j’en cause là aussi. Ce récit suinte l’après-guerre par tous les pores de ses petites pages. Le traumatisme résiduel des atrocités dans tous les camps est extrêmement présent même si l’auteur réussit le tour de force – pour un Américain j’entends – de ne pas présenter de schéma manichéen. Et, Odin tout puissant !, ça fait un bien fou. C’est ce contexte là qui fait que le récit à une portée aujourd’hui encore, quand les USA se rendent compte que leur intervention/cours de démocratie/assimilation en Irak n’a pas marché et qu’il faut y retourner par exemple, le texte de Poul Anderson a une portée qui dépasse largement le cadre de la sf.
Pour résumer rapidement l’histoire, on se retrouve à un conseil très similaire à ceux que l’ONU tient de nos jours sauf que ce n’est pas la Terre qui réglait ses problèmes, mais ceux des autres (pour changer). Deux peuples/planètes rivaux/ales sont conviés à une table ronde où le gouvernement de Terre leur propose une aide pour se relever de leurs cendres. La peuplade très semblable aux humains accepte tandis que l’émissaire de l’autre planète refuse. Au premier tiers de la nouvelle, on fait un bon dans le temps après avoir assisté au retour chez eux des émissaires. L’un est accueilli en sauveur, l’autre en traître. La deuxième partie de la nouvelle se concentrera sur la traversée du désert et la quête de justification de l’émissaire ayant refusé l’aide :
En 1950, Poul Anderson imagine l’anéantissement de la diversité culturelle par un impérialisme galactique.
Vous l’aurez compris, je viens de vous spoiler la fin de l’histoire, mais de toute façon, à la vitesse où vous auriez lu cette nouvelle, vous vous seriez spoilés seuls. Encore une fois, ce qui compte, ce n’est pas tant l’histoire que le message, même si, je le redis, l’univers créé m’a carrément accroché et je regrette de ne pas avoir pu plus en profiter.
Au final on se rend compte que le message de cette nouvelle, qui est au final une autre façon de présenter le Plan Marshall – a été malgré tout réellement mis en avant, on pourrait même penser que trop. Mais gardons à l’esprit le format extra-court – cmb – de la nouvelle qui ne permet pas d’enrober autant qu’on le voudrait. Je regretterais juste la fin, trop abrupte, mais c’est probablement mon acclimatation aux fins à l’hollywoodienne qui fait état de ma frustration.
J’ai hésité à vous présenter, comme dernier ouvrage de la collection, La Tour des Damnés de Brian Aldiss, mais j’ai finalement arrêté mon choix sur cette Main Tendue que je trouvais plus parlante. Bref, on approche de la fin du mois de la nouvelle et je vous retrouve samedi dans une news de rentrée !
Vil Faquin.
Une autre critique à lire ici.
*peut-être même derrière cet article.
Dans la même collection : Murray Leinster, Marion Zimmer-Bradley, Philippe Curval
James Blish, Ward Moore, Jean-Pierre Andrevon, Robert Sheckley et Mack Reynolds.
Hors série : Fred Guichen.
Sur la collection Dyschroniques : Interview de Dominique Bellec.
Je vais peut-être jeter un pavé dans la mare en disant ça mais il m’a toujours semblé que la fin d’une nouvelle se devait d’être comme ladite nouvelle – courte. Autrement dit je m’attends beaucoup plus dans ce type de lecture à une fin parachutée et emballée en 2 – 2 là où ça pourrait réellement me frustrer au bout d’un pavé de 500 pages, ou, pire, une trilogie ou séquelle de trois tomes qui m’en a laissé (des séquelles – oui c’est du vécu !), effectivement, à cause d’une fin qui pourrait se résumer en 5 mots [Merci BW, vous avez accompagné mon adolescence, mais maintenant j’aimerais me tourner vers des auteurs plus matures et moins superficiellement faussement complexes]. Je trouve aussi que lorsqu’il s’agit de SF la fin n’a pas forcément à être aussi finalisée que dans n’importe quelle autre fiction, ou pas de la même manière, puisque interrogation elle vise, et que j’apprécie donc qu’elle laisse un peu de place au lecteur. Donc aucun souci avec cette fin de mon côté.
Maintenant que tu le dis, je ne vois pas non plus le pourquoi du labyrinthe. J’avoue ne pas m’être posé la question une seule fois.
Je suis étrangement assez d’accord avec toi pour cette histoire de fin. Pour ce cas précis, j’avais l’impression/l’envie d’être dans une grosse trilogie des familles, d’où, je pense, ma frustration. J’en voulais plus.
Pour le labyrinthe… La main tendue pour s’échapper de l’engrenage « guerre/destruction/mort/guerre/destruction/mort/guerre »… où l’on tourne en rond comme un labyrinthe ?
Ma foi, ce sera capillotracté.
Je suis donc le seul à pas avoir apprécié plus que ça ce bouquin. Enfin…comme tous les passagers clandestins, je l’ai trouvé très bien, mais tellement en dessous d’un « Mercenaire », ou d’un « continent perdu » ou d’un « Logique nommée Joe »… J’ai été frustré par l’histoire qui m’as paru embrouillée, qui aurait été bien plus intéressante une fois développée, j’ai pas bien compris qui c’était cet extraterrestre énervé, qui se faisait pourrir chez lui…bref c’était étonnant…
Je pense qu’il faudrait que tu lui laisses une deuxième chance avec ne relecture ! C’est une bonne pioche je trouve, mais effectivement, Reynolds et le Mercenaire sont largement au-dessus. Après le côté court joue aussi dans la narration mais je l’ai trouvé personnellement plus pertinent qu’un Logique Nommé Joe qui est, ma foi, relativement… plat ?
Hum, tu m’as *presque* donné envie de la lire, cette nouvelle.
Yay ! Ca veut dire que je m’améliore alors 😉
Je te la prête quand je te rends ton assiette ?
Ouais, avec plaisir.
Et me voilà de retour avec un commentaire hyper constructif: c’est pas un labyrinthe, les gens. C’est une assemblée. Des bureaux, avec plein de chaises de part et d’autre. Le lien avec le texte est de suite plus évident.
En parlant du texte, je ne peux que te rejoindre, Mr Faquin, il est très bien écrit et construit. J’ai trouvé la lecture vraiment agréable du début à la fin. Fin qui, d’ailleurs, ne m’a pas semblée abrupte, elle arrivait à point nommé et était limite parfaite. La question soulevée de le texte sur la diversité culturelle était très bien amenée et développée. Bref. J’ai kiffé.
Et bien merci Mono ! J’aime que les choses se passent comme prévu 🙂
T’as plus qu’à me le rendre maintenant 😛